Bonsoir,
Lisez aussi "Les écrits d'Etty Hillesum: journaux et lettres, 1941-1943"... Une jeune Juive, contemporaine d'Anne Franck (1914 - 1943 pour Etty; 1929 - 1945 pour Anne); amstellodanoise comme elle; morte elle aussi à Auschwitz, en novembre 1943... Le récit... bouleversant de confiance dans la vie, et dans celui qu'elle appelle Dieu... du graduel processus de confinement imposé par les Nazis aux Juifs de Hollande.
Chrétiens, Juifs et Musulmans ont tenté de l'embrigader sous le régime de leur croyance. Mais, selon moi, sa foi dans la vie, dans le genre humain - et ceci aux pires heures de l'histoire du XXè siècle - et en ce/celui qu'elle appelle Dieu, la situe bien au-delà de toute croyance homologuée...
"Le Journal et les lettres d'Etty Hillesum font partie du trésor secret, non répertorié, de l'humanité, au même titre que les livres de Varlam Chalamov, Primo Levi, Robert Antelme... Ou que les poèmes de Nelly Sachs et de Paul Celan. Ecrites dans l'urgence, en marge de l'horreur, ces pages opposent l'absolue résistance d'une parole humaine au silence que les bourreaux imposent et entretiennent pour mener à bien leur oeuvre de mort. En outre, Etty Hillesum donne à la notion de témoignage une rare profondeur : éclairée par une lumière qu'on dirait miraculeuse, l'intériorité semble connaître, au contact de l'épouvante quotidienne, une bouleversante maturation. "Vivre totalement au-dehors comme au-dedans,écrit-elle, ne rien sacrifier de la réalité extérieure à la vie intérieure." C'est en 1981 que furent révélés aux Pays-Bas les écrits de cette jeune intellectuelle juive hollandaise, morte à l'âge de 29 ans à Auschwitz en novembre 1943. La présente édition restitue l'intégralité (et l'intégrité) des écrits connus - un cahier du Journal sur onze a disparu - d'Etty Hillesum. Se trouvent ainsi complétées les éditions partielles du Journal, traduit en français en 1988, sous le titre "Une vie bouleversée", et des" Lettres de Westerbork". Si l'essentiel était connu, manquait encore le grain réel de la voix, le tremblement, la hâte de l'écriture... De fait, tout a été très vite pour Etty Hillesum. Entre 1941 et 1943, cette jeune fille de 27 ans - elle était née en janvier 1914 -, curieuse et intelligente, affronta le pire, avant de mourir, avec toute sa famille, comme plus de cent mille juifs hollandais déportés et assassinés par les nazis. Mais ces quelques mois furent également le théâtre, non d'une métamorphose, mais d'une stupéfiante prise de conscience spirituelle. "J'ai l'impression de vivre un processus continu de croissance qui suffirait à occuper des années", remarque-t-elle un jour. A de multiples occasions, alors que la vie est piétinée de toutes les manières, alors que l'étau de la souffrance et du désespoir se resserre, elle bénit l'existence, note une "sensation de dilatation". "Comme la vie est belle pourtant", s'écrie-t-elle un autre jour, n'ayant jamais renié ni sa nature sensuelle ni son humour. Le camp de Westerbork était le lieu d'où partaient chaque semaine les convois de la mort. Entre juillet 1942 et juin 1943, Etty Hillesum y fait trois séjours. Pas comme déportée, mais comme fonctionnaire du Conseil juif, organisme mis en place par les Allemands pour maintenir perversement, parmi la population promise aux chambres à gaz, un semblant d'ordre et de normalité. Elle y fut à chaque fois en tant que volontaire, afin d'obéir à ce qu'elle considérait comme une "obligation vis-à-vis de la collectivité". Dans cette tâche, elle trouva même un sens. En juillet 1943, le statut d'exception qui protégeait les membres du Conseil fut abrogé et le destin des Hillesum, comme celui d'innombrables autres familles, scellé. Très vite, comme le montrent son Journal et ses lettres, elle sut ce que serait ce destin. Elle ne se déroba pas : "La conscience de tout le bien qui a existé dans la vie, dans ma vie, loin d'être refoulée par tout le reste, m'imprègne chaque jour un peu plus." Etre un "cœur pensant" : c'est ce à quoi aspire la jeune femme à mesure qu'elle avance dans les ténèbres, avec une sorte d'optimisme surnaturel : "De l'enceinte même des camps, de nouvelles pensées devront rayonner vers l'extérieur." L'écrivain autrichien Jean Améry, rescapé des camps, suicidé en 1978, avait réfléchi sur l'effondrement de l'esprit à Auschwitz. L'intellectuel, qui porte en lui la possibilité d'une "approche esthétique de la mort", n'est pas plus armé, pensait-il, que l'homme ordinaire pour affronter une telle épreuve. Mais ce n'est pas d'esthétique qu'il s'agit ici. Nourrie de poésie - celle de Rilke ne la quittait pas -, Etty Hillesum fut de toute évidence un être d'exception. Eloignée de sa religion d'origine, lectrice des Evangiles et de saint Paul, elle vécut, hors de toute idée de conversion, une véritable expérience de Dieu. Elle sut avec certitude que la vraie connaissance passe par le contraire d'un retour sur soi. Sa prière se fit alors radicalement confiante... "Je vais t'aider, mon Dieu, à ne pas t'éteindre en moi." Il n'est pas nécessaire de donner cette expérience en exemple. Il importe simplement de l'entendre, de s'enrichir d'elle." (
https://www.lemonde.fr/livres/article/2 ... _3260.html)
Lisez aussi les autres écrivains ici appelés... Et Rilke surtout, dont je partage avec elle l'amour!
Long, hein, "mon" texte? Mais je n'ai pas d'autre recette à vous offrir...
Pour éviter toute polémique, je tiens à préciser que je ne suis pas du tout (!)un thuriféraire de l'Etat juif d'Israël. Cette jeune femme juive, libre d'une liberté qui outrepasse toutes les limites imposées par les traditions religieuses - juives principalement, en son cas - aux femmes; par les "zhommes" aux femmes; cette jeune femme libre, qui aimait les hommes, s'offre toujours à moi aux pires heures de l'existence comme un secours aimant.
Bien à vous toutes, Mesdames!
Bernargo